jeudi 1 novembre 2007

Météo de VLT du samedi 20 au vendredi 24 octobre

Le temps c’est d’l’argent. Mais les prévisions de Météo France sont désormais payantes sur internet. Radio Campus vous offre la météo de la semaine écoulée. C’est du sûr et c’est gratuit ! Voilà l’travail !


Samedi 20 octobre


Ciel bleu, température frisquettes… Mais chaud, chaud ! A Auchan, y’a des promos sur les sous-vêtements ! Dans les cabines d’essayage y’en a qui baissent leur froc. Camarades Campussiennes, un conseil : pas la peine d’essayer un string. Ajusté, trop petit ou trop grand… de toute façon ça rentre dans l’cul… C’est bon ça coco ! Si j’continue sur ce genre de sujet l’émission
va encore être la plus téléchargée de la semaine ! Téléchargez-moi… Oui mais pas tout de suite… pas trop vite…

Dimanche 21 octobre

Il fait bon… sous la couette. Mais j’orage ! Les cloches m’ont réveillé à 10h. Moi qui voulais dormir plus, pour roupiller plus ! Le magazine « Elle » nous alerte d’ailleurs sur la dure condition des femmes qui n’ont pas de temps pour elles. Il donne la parole à Madame S : « Peut-être que je ne suis pas comme les autres mais moi, ce qui me manque par-dessus tout, c’est aller faire des courses au supermarché avec mon fils Louis » ? C’est Cécilia Ciganer-Albéniz-Martin-Sarkozy qui parle. Les obligations présidentielles la gavait… Elle est partie. C’est vrai que c’est gavant le Fouquet’s, les croisières… Et puis Rachida qui débarquait sans arrêt à l’improviste avec son cher Henri, le PDG de Véolia… Wouah !… C’était lourd… Vaut mieux vivre toute seule avec ses mômes dans une HLM et aller voir de temps en temps les bateaux qui passent sur la Deûle… Ah… la Deûle avec un peu d’imagination on peut même se dire, « C’est la Tamise »…

Lundi 22 octobre

Chère maman chérie, j’ai froid malgré le soleil. Je me sens comme si le Medef venait de me fusiller pour la n ième fois. En effet, Laurence Parisot a obtenu le report de la réunion qui devait se tenir aujourd’hui avec tous les partenaires sociaux sur les questions de pénibilité au travail, dans le cadre du calcul de la durée des cotisations de retraite. Le syndicat des patrons a des soucis avec un des siens qui a pris des sous dans la caisse… Je n’ai aucune haine pour le peuple des patrons, mais quand même… si. Comprends moi, le Medef nous fait le coup du report depuis 2003. De nous, il faut maintenant qu’ils arrêtent de se Môquet. Sois heureuse ma petite maman, ne t’inquiète pas pour moi, je fume toujours autant, en attendant que les cigares i chingent d’bouc’…


Mardi 23 octobre


Rien de neuf sous le soleil. A droite, à gauche, rien. Même entre Flamands et Wallons, y’a rien qui s’passe.


Mercredi 24 octobre


Ciel bas, ciel gris sur le plat pays. Mais tonnerre de Brest ! Quelle conne a dit y’a rien qui s’passe au Royaume de Belgique ? Pas de gouvernement depuis 136 jours, et la vie qui continue, c’est pas rien tout d’même ! Je dirai même plus, la vie qui continue alors qu’il n’y a pas de gouvernement depuis 136 jours ! C’est tout d’même pas rien !


Jeudi 25 octobre


Températures stationnaires. Moral des ménages en baisse. Mais heureusement, ça y est ! Sarkozy, le spécialiste de la « rupture », a pris Laporte. Bernard Laporte comme secrétaire d’Etat aux sports. « Ensemble, tout est possible »… Le problème ce serait que d’ici quelques semaines, dans le magazine « Lui » Bernard annonce qu’il s’en va lui aussi… Parce que ça lui manque trop de plus pouvoir « aller faire ses courses chez Décathlon avec son fils… ».


Vendredi 24 octobre


Dehors fait noir et ça caille. Vous écoutez la troisième édition de « Voilà l’travail » sur Radio Campus, tandis que sur Arte, vous loupez le 2e épisode d’un téléfilm sur la vie de Jean-Paul II. Pour vous consoler je vous résume : il est mort vers la fin de sa vie. Tandis que Karl Marx, lui n’est pas mort… Enfin si… Mais bon… vous avez qu’à écoutez cette émission jusqu’à la fin, il vous expliquera lui-même... Guten zoirée chers z’auditeurs…



Dix minutes chez Marx

Première série - Troisième entretien


La scène se passe à Londres aux environ de 1873/75-Friedrich Engels


D'après Paul Lafargue, “Souvenirs personnels sur Friedrich Engels”, 1904.


- Lors de notre dernier entretien, vous avez évoqué pour nous votre famille... Pouvez vous nous parler maintenant de votre ami Friedrich Engels ?


- Mais Fred est, lui aussi, membre à part entière de la famille ! Mes filles l'appellent leur second père. Et véritablement, il est mon alter ego. Fred et moi, nous sommes rencontrés pour la première fois dans les derniers jours de novembre 1842, lors d'une visite qu' il fit à la rédaction de la Gazette Rhénane où j'étais rédacteur en chef. Dès cette époque, nous nous sommes développés ensemble et parallèlement, et avons vécu dans la plus intime communauté d'idées et de sentiments, participé à la même agitation révolutionnaire et travaillé ensemble. Et nous aurions sans doute mené cette activité commune toute notre vie si les évènements ne nous avaient pas séparés pendant près de vingt ans. Quand la Gazette Rhénane eut cessé de paraitre, étouffée par la censure, Fred me suivit en France où je m'étais réfugié. Il passa quelques jours chez nous à Paris en septembre 44 et ensemble, nous avons travaillé aux Annales Franco-allemandes.


Au début de 1845 , lorsque je fus expulsé de Paris par le ministère Guizot, à l'instigation du gouvernement prussien et que, Jenny, Jennychen, Hélène et moi, nous nous fûmes rendus à Bruxelles, Fred ,bientôt, vint nous rejoindre. Et quand la révolution de 48 rappela la à la vie la Gazette Rhénane, il fut à mes côtés, me remplaçant à la tête du journal lorsque je devais m'absenter. Après l'échec de la révolution de 48, Fred dut se rendre à Manchester, alors que je fus obligé de partir pour Londres. Dans la tourmente, j'avais perdu tous mes biens et Jenny aussi. Fred n'avait, lui non plus, aucun moyen d'existence. Il dut donc, sur l'invitation de son père, aller à Manchester et reprendre les fonctions de commis qu'il avait déjà assumées en 1843, tandis que de mon côté j' arrivais à grand-peine à satisfaire les besoins les plus pressants de notre famille grâce aux correspondances hebdomadaires que j' écrivais pour la New York Daily Tribune. Malgré cette séparation de plus de 20 ans, nous n'avons jamais cessé de vivre l'un avec l'autre par la pensée : chaque jour, ou presque, pendant ces vingt ans, nous nous fîmes part dans nos lettres de nos impressions et de nos réflexions sur les évènements politiques ainsi que de la marche de nos propres études. A la maison, quand il pouvait se libérer, c'était une véritable fête pour nous quand, de Manchester, Fred nous annonçait sa venue. On parlait longtemps à l'avance de sa visite, et le jour de son arrivée j'étais tellement impatient que je ne pouvait travailler. Ensemble, nous passions la nuit à fumer et à boire en nous racontant tous les évènements survenus depuis notre dernière rencontre.



- Quelle vie menait Friedrich Engels à Manchester ?

- A Manchester, Fred menait en quelque sorte une vie double. Les six jours de la semaine, de 10 à 16 heures, c'était un employé de commerce dont le travail consistait surtout à tenir la correspondance de la firme en différentes langues et à aller à la Bourse. Il avait, au centre de la ville, son domicile officiel, où il recevait ses connaissances du monde des affaires. Il participait non seulement à la vie d'affaires des industriels de Manchester, mais aussi à leurs divertissements : il se rendait à leurs réunions et à leurs banquets, se livrait à leurs sports. Excellent cavalier, il avait son propre cheval pour chasser le renard. Il ne laissait jamais passer l'occasion quand, selon une vieille coutume féodale, l'aristocratie et la gentry invitaient tous les cavaliers des alentours à traquer le renard : il était l'un des premiers parmi les plus acharnés à la poursuite, et ni fossé, ni haie, ni aucun obstacle ne l'arrêtaient.

J'ignore si les bourgeois de sa connaissance étaient au courant de son autre vie; les Anglais sont extrêmement discrets et se montrent peu curieux de ce qui ne les regarde pas; en tout cas, ils ignoraient absolument tout des hautes qualités intellectuelles de l'homme avec qui ils étaient quotidiennement en rapports, car Fred ne manifestait guère son savoir devant eux. Celui que je considère comme l'un des hommes les plus instruits d'Europe n'était pour eux qu'un joyeux compagnon qui s'y entendait en bon vin...


-Donc, Fred, à Manchester, avait deux vie...


-Oui, le soir, délivré de l'esclavage des affaires, il redevenait un homme libre. Il rentrait dans sa maisonnette, tout au bout de la ville : les champs commençaient à quelques pas de là... Celle-ci n'était ouverte qu'à ses amis politiques et scientifiques. Sa femme, d'origine irlandaise et ardente patriote, était alors sans cesse en contact avec ses compatriotes, très nombreux à Manchester, et au courant de tous leurs complots. Plus d'un fenian, ces révolutionnaires irlandais qui, durant les combattent pour l'indépendance de l'Irlande, trouva asile dans sa maison, et c'est grâce à elle que l'un d'eux, qui avait dirigé un coup de main pour délivrer des fenians condamnés à mort que l'on conduisait à la potence, put échapper à la police. Nombreux étaient les socialistes de Londres, les camarades de passage, les émigrés de tous les pays, qui se réunissaient le dimanche à sa table fraternelle. Et tous quittaient sa maison charmés de ces soirées qu'il animait de son entrain communicatif, de son esprit, de sa gaieté intarissable. Aujourd'hui, il en est de même à Londres...


- Engels a, en effet, une réputation d'homme généreux...

- Fred habitait Manchester quand fut fondée l'Internationale... Il la soutenait pécuniairement et collaborait au journal The Commonwealth fondé par le Conseil général. Econome pour lui-même et ne se permettant que les dépenses qu'il estime absolument nécessaires, il est d'une générosité sans bornes pour le parti et pour les camarades dans le besoin qui s'adressent à lui !

- Et aujourd'hui, Engels est établi non loin d'ici je crois...

-Dès qu'il put se libérer et rejeter le joug mercantile , quand éclata la guerre franco-prussienne, en septembre 70, Fred se hâta de quitter Manchester pour venir s'établir à Londres, à Regent's Park Road, à dix minutes seulement de notre maison. Il put ainsi se consacrer à l'Internationale avec l'ardeur qu'il mettait à tout ce qu'il entreprend. Depuis, tous les jours, vers une heure, il se rend chez nous et si le temps est beau nous allons ensemble dans la prairie de Hampstead et quand il fait mauvais, nous nous entretenons une heure ou deux dans mon cabinet de travail allant et venant l'un et l'autre suivant la diagonale du tapis. Je tiens à l'opinion d'Engels plus qu'à toute autre. Il est pour moi tout un public. Pour le persuader, pour le gagner à mes idées, aucun travail ne me semble trop long. Je parcours quelquefois à nouveau des livres entiers afin de retrouver les faits dont j'ai besoin pour modifier l'opinion d'Engels sur un point secondaire...


-Vous semblez avoir une admiration sans borne pour la culture de votre ami ?


-Comme je vous l'ai dit, je considère Fred comme l'un des hommes les plus instruits d'Europe ! Il aime l'étude pour elle-même. Il s'intéresse à tous les domaines de la connaissance. Après la défaite de la révolution en 1849, il avait pris place sur un voilier qui se rendait de Gênes en Angleterre, le voyage de Suisse en Angleterre à travers la France ne lui paraissant pas tout à fait sûr. Il mit à profit cette circonstance pour acquérir certaines connaissances en matière de navigation : il tenait à bord un journal où il notait les changements survenus dans la position du soleil, la direction du vent, l'état de la mer, etc. Ce journal doit encore se trouver parmi ses papiers, car Fred , si vif et si fougueux, est aussi méthodique qu'une vieille fille : il conserve et enregistre tout avec une minutie extrême. De ce côté là, c'est tout le contraire de moi ! Dans les deux grandes pièces claires où il travaille et dont les murs sont couverts de livres, pas un papier ne traine par terre, et les livres, à l'exception d'une douzaine qui se trouvent sur sa table de travail, sont tous à leur place ! Aucun domaine ne lui est indifférent !

- Vous semblez céder à son égard, à un certain culte de la personnalité...

- Je lui reproche souvent de se disperser en s'attachant à une foule de sujets rien que pour son plaisir "au lieu de songer à travailler pour l'humanité"! Lui, pour me répondre, il me reproche mes scrupules intellectuels infinis qui m'empêchent de finir mes livres...

La soif de connaitre de Fred n'est satisfaite que lorsqu'il possède son sujet jusque dans les moindres détails. Quand on a une idée approximative de l'étendue et de l'infinie variété de ses connaissances, et que l'on songe en outre à sa vie si active, on ne peut manquer de s'étonner que Fred, qui n'a rien d'un savant de cabinet, ait pu emmagasiner dans son cerveau une telle somme de savoir ! A une mémoire aussi sure que vive et universelle il unit une rapidité extraordinaire dans tout ce qu'il faisait et une facilité d'assimilation non moins étonnant.

Par exemple, sa connaissance des langues européennes et même de certains de leurs dialectes, est phénoménale ! Après la chute de la Commune, Paul Lafargue, mon gendre, eut l'occasion de rencontrer des membres du Conseil national de l'Internationale en Espagne; ils lui dirent qu'il avait comme suppléant, au secrétariat du Conseil général pour l'Espagne, un certain Angel qui écrivait dans le plus pur castillan. Cet Angel n'était autre qu'Engels dont ils prononçaient le nom à l'espagnol ! Quand Paul se rendit à Lisbonne, Francia, secrétaire du Conseil national pour le Portugal, lui déclara qu'il recevait de Fred des lettres dans un portugais impeccable : ce qui est extraordinaire, si l'on songe à la parenté et aux petites différences qui existent entre ces deux langues et l'italien, qu'il posséde également à la perfection ! Pour l'Internationale, Fred met une sorte de coquetterie à écrire à chacun dans sa langue maternelle : il écrit en russe à Lavrov, en français aux Français, en polonais aux Polonais, et ainsi de suite. Il goûte aussi la littérature en dialectes.

- Peut-être qu'une anecdote serait la bienvenue ?

- A Ramsgate, au bord de la mer, le propriétaire d'une baraque foraine, entouré de petites gens de Londres, montrait un nain barbu en uniforme de général brésilien. Fred s'adressa à lui en portugais, puis en espagnol : pas de réponse. Enfin, le "général" marmonna un mot. - Mais ce Brésilien est un Irlandais ! s'écria Fred, qui l'apostropha dans son dialecte. L'infortuné versa des larmes de joie en l'entendant. "Engels bégaye en vingt langues", m'a dit récemment un réfugié de la Commune, plaisantant l'habitude qu'a Fred de bégayer légèrement quand il est ému....

- Médire sur le meilleur des hommes ! Jetzt ! A table !








Voila l'travail !

Voila

l'

travail !

mardi 23 octobre 2007

Météo du samedi 13 au vendredi 19 octobre 2007

Le temps c’est de l’argent. Ainsi le site internet de Météo France est payant. Radio Campus vous offre la météo de la semaine écoulée. C’est du sûr et c’est gratuit .

SAMEDI 13 octobre 2007

Petite bise le matin... Nicolas et Cécilia vont-ils divorcés ? «C’est la « Question d’actu » de la Voix du Nord du jour ». Grosse bise l’après-midi. Une info circule sur internet : David Levy, un chercheur de l’Université de Maastricht approuve l’idée d’un mariage désormais possible entre un humain et un robot. « Je te jure de te rester fidèle, ma souris, pour le meilleur et pour le pire, et jusqu’à ce qu’un bug nous sépare… » « Oh oui ! J’adore ça quand tu t’insères dans mon port USB »…

DIMANCHE 14 octobre 2007

Le soleil se lève aux Comores ! Le mercenaire français Bob Denard est mort. Fais même tellement beau aussi chez nous que le Mont Blanc n’a jamais été aussi haut : 4810 mètres et 90 centimètres au dernier relevé. Le soleil est au Zénith (de Paris). A l’appel de SOS Racisme, Libération et de Charlie Hebdo, 170 000 potes se sont réunis pour dire : « Touche pas à mon ADN »… Pluies de bombes et de balles en Irak, neuf enfants tués dans leur sommeil par l’armée américaine. De quoi publier pleins de bonnes caricatures sanglantes, hein Charlie ?

LUNDI 15 octobre 2007

Temps d’automne. Lumière défaite. Dans les bistrots on se surprend à se mêler de tout et de rien. De tout sauf de rugby… C’était qui qui a battu la France déjà ? J’sais même pus.

MARDI 16 octobre 2007

Nuages noirs. Zéphyr. Un pompier décédé, Sarkozy éploré, mais Cantat libéré !

MERCREDI 17 octobre 2007

Il pleut sur la route. Mais c’est la Journée mondiale de refus de la misère. Alors refusons ce temps pourri ! 7 millions de Français vivent avec moins de 800 euros par mois. C’est trop. Et si ça continue il y en aura de plus en plus des pauvres…. Des cheminots pauvres, des gaziers pauvres, des électriciens pauvres, des chauffeurs de transports en commun pauvres, la comédie Française pauvre, des enseignants pauvres, des employés de crèche pauvres… Refusons la réforme des régimes spéciaux de retraite. Tous égaux pour l’âge de la retraite ? D’accord ! Mais tous à 37 ans et demi de cotisation. Sinon ça va nous coûter cher. Trop cher !

JEUDI 18 octobre 2007

Jeudi rouge ! Jeudi bataille unitaire pour les forçats du rail ! Jeudi Voilà l’travail dans la rue ! Jeudi bravo ! Chers auditeurs, je vous propose d’observer une minute d’applaudissements, oui de chez vous, pour toutes celles et ceux qui osent laisser un peu de leur salaire dans une grève contre la politique libérale de Sarko et pour le service public. Jeudi « Faites du bruit ! » (Applaudissements)

VENDREDI 19 octobre

Il fait un temps d’octobre. Et il y a comme un petit air de révolution ce soir sur le 106,6… Vous écoutez Radio Campus pendant que les spectateurs coca-colatisées de TF1 regardent… la télé. (Applaudissements).

Dix minutes chez Marx

Première série - Deuxième entretien

La scène se passe à Londres aux environ de 1873-75. La famille Marx – Les filles de Marx – Jenny - Hélène.


D'après Paul Lafargue, “Souvenirs personnels sur Karl Marx”, 1890.



- Toujours au 41 de Maitland Park Road à Londres , Karl Marx nous reçoit dans son cabinet de travail. La semaine dernière... Monsieur Marx, pouvez vous nous parler de votre vie de famille ?

- Parlons vie de famille.. Mais bien sûr...Celle-ci commence pour moi quand j'ai fermé mes livres et mes cahiers. On peut dire de moi, me semble-t-il, que je suis un père doux, tendre et indulgent ; en fait , comme on dit en français, que je suis un “papa poule” !

- En français dans le texte...

-Pour moi, les enfants doivent faire l'éducation de leurs parents ! Comme le disait Goethe : “Ce sont les enfants et les oiseaux qu'il faut interroger sur le goût des cerises et des fraises...” Je m'efforce de ne jamais faire sentir à mes filles le poids de l'autorité paternelle. Je ne leur donne jamais d'ordres, mais leur demande comme un service ce que je désire d'elles, ou les persuade de ne pas faire ce que je ne veux pas qu'elles fassent. Et cependant je suis obéi comme peu de pères le sont. Je crois que mes filles, aussi bien Eléanor, Jennyschen que Laura voient en moi un ami. Elles se comportent avec moi comme avec un camarade. Elles ne m'appelent pas "Père", mais, comme je vous l'ai déjà dit, «Le Maure». Par contre, dès avant 1848, les membres de la Ligue des communistes m' appelaient le "père Marx", bien que je n'eus pas encore atteint la trentaine!
Naguère, je jouais
parfois pendant des heures avec mes filles. Parfois nous faisions des batailles navales et des incendies de flottes entières de bateaux en papier que je fabriquais pour elles et que nous livrions ensuite aux flammes, pour leur plus grande joie, dans un cuvier.

- Mais quand prenez vous le temps d'en passer avec elle ?

-Quand c'est possible, -Le dimanche, mes filles ne me permettent pas de travailler ; je suis à elles pour toute la journée.quand il fait beau, toute la famille part pour une grande promenade à travers champs. On s'arrête en route dans une auberge pour boire de la bière de gingembre et manger du pain et du fromage. Lorsque mes filles étaient encore petites, pour que le chemin leur parût moins long, je leur racontait des contes de fées qui n'en finissaient plus, contes que j' inventai tout en marchant et dont je retardais ou précipitais le dénouement selon la longueur de la route qui restait à faire. C'est que mes premières œuvres littéraires furent des poésies ! Jenny garde soigneusement ces œuvres de jeunesse mais ne les montre à personne ! Mes parentsavaient rêvé pour moi une carrière d'homme de lettres et de professeur. Ils estimaient que je m'abaissais en me consacrant à l'agitation socialiste et en m'occupant d'économie politique, science qui n'était guère estimée, de leur temps, en Allemagne. J'avais promis à mes filles d'écrire pour elles un drame sur les Gracques. Malheureusement, je n'ai pas encore pu tenir parole...»

-Et vous nela tiendrez jamais... Pouvez vous nous parler de votre compagne, de Jenny Von Westphalen ?


-Jenny et moi, nous nous sommes connus enfants et avons grandi ensemble. Je n'avais pas plus de 17 ans lorsque nous nous fiancèrent (ça aussi...c'est pour rire un peu ). Nous nous sommes marié en 1843, après avoir attendu sept ans .Personne n'a plus qu'elle le sentiment de l'égalité, bien qu'elle soit née et ait été élevée dans une famille d'aristocrates allemands. Pour elle, les différences et les classifications sociales n'existent pas. Dans sa maison et à sa table elle reçoit les ouvriers en costume de travail avec la même politesse, la même prévenance que s'il se fût agi de princes. Un grand nombre d'ouvriers de tous les pays ont joui de son aimable hospitalité et je suis convaincu qu'aucun d'eux ne s'est jamais douté que celle qui les recevait avec une si simple et si franche cordialité descendait, par les femmes, de la famille des ducs d'Argyll, que son frère avait été ministre du roi de Prusse et que l'une de ses ancêtres était Mary Stuart ! «Le diable, l'aristocratie et les jésuites n'existent que parce que l'on y croit », elle ne croit qu'au diable : elle a tout quitté pour suivre son Karl ...
Jenny possède un esprit enjoué et brillant. Les lettres qu'elle adresse à ses amis, par exemple, écrites d'une plume légère, sont de vrais petits chefs-d'œuvre et témoignent d'un esprit vif et original. C'est une fête de recevoir une lettre de Madame Marx ! Mon ami Heine, impitoyable satirique, craignait mon ironie, mais il avait une grande admiration pour l'intelligence fine et pénétrante de Jenny. Pour ce qui me concerne, je lui ai toujours communiqué mes manuscrits et j'ai toujours attaché une grande valeur à son jugement. A cause de mon écriture de cochon, c'est elle qui recopie mes manuscrits pour l'impression. Jenny et moi, nous avons eu beaucoup d'enfants. Trois sont morts en bas âge, pendant la période de privations que la famille a traversé après la révolution de 48...

- C'est bon ça coco !

_... lorsque, réfugiée à Londres, nous avons vécu dans deux petites pièces de Dean Street, près de Soho Square...

- Jetzt à table les artistes !

- Tiens, c'est Hélène qui nous appelle... Et justement...La famille Marx compte un autre membre important : Hélène. Issue d'une famille de paysans, elle est entrée toute jeune, presque enfant, au service de Jenny longtemps avant notre mariage, et quand sa maîtresse s'est mariée, elle n'avait pas voulu la quitter. Elle s'est consacrée à notre famille avec un tel dévouement qu'elle s'en oublie souvent elle-même. Elle nous a accompagné dans tous nos voyages à travers l'Europe, nous suivant lorsque nous étions expulsés. Hélène est le bon génie de la maison et sait se tirer des situations les plus difficiles. C'est grâce à son esprit d'ordre et d'économie, à son ingéniosité que la famille ne manqua jamais du strict nécessaire. Elle s'entend à tout : elle fait la cuisine, s'occupe du ménage, habille les enfants, coupe les vêtements qu'elle cousait avec l'aide de Jenny. Elle est à la fois l'économe et le majordome de la maison. Les enfants l'aiment comme une mère, et elle exerce sur eux une autorité maternelle, parce qu'elle a pour eux une affection toute maternelle. Jenny considère Hélène comme une amie très proche et moi aussi... Je joue souvent aux échecs avec elle et il m'arrive la plupart du temps de perdre la partie !


-«On» dit qu'elle est votre bonne à tout faire !

- Mais que «on» aille lui dire ça ! Vous aurez affaire à elle ! C'est vrai, l'amour d'Hélène pour notre famille est aveugle : pour elle tout ce que les Marx font est bien, et ne peut être que bien. Elle prend sous sa protection maternelle quiconque est admis dans l'intimité de la famille. Sinon...c'est sa fête !

-Qu'est-ce que j'entends ? Je ne veux même pas le croire Karl ! Jetzt à table !

Voila l'travail !

Voila

l'

travail !

jeudi 18 octobre 2007

Météo du vendredi 12 octobre 2007

Météo du vendredi 12 octobre 2007

Le temps, c’est de l’argent. Ainsi les bulletins de prévision de Météo France sont payants sur internet. Sur Radio Campus, voici la météo de la semaine écoulée, c’est du sûr et c’est gratuit. Voilà l’travail !

Samedi 6 octobre

Grand soleil. Les gens du Nord ont dans le ciel, le bleu qu’ils portaient jadis à l’usine. La nuit tombe. Tous les All Blacks sont en gris. Y’a qu’a… Y’a qu’à…être philosophes. La France va perdre. C’est évident. Sarko se fait tout petit dans les tribunes du stade de Cardiff. De toute façon, quoi qu’il arrive, bientôt il prendra Laporte…, oui il prendra Bernard Laporte comme Ministre des sports. Mais voilà que, oui ! oui ! Oui ! La France gagne contre la Nouvelle Zélande. 20-18. Roselyne Bachelot est obligée de travailler plus, plus longtemps… De porter deux casquettes de ministre, la santé et le sport ! Mais Mme Bachelot a une santé de rugbyman. Elle a dit à Lille qu’elle ne prenait jamais de médicaments, « comme 40 % des Français »… Ah bon ? 40 % des Français ne prennent jamais rien ??? Bah alors pourquoi vous accusez les Français de consommer trop de médicaments, Madame Bachelot ? (pause) Madame Bachelot ? Ah, visiblement Mme Bachelot vient de botter en touche !

Dimanche 7 octobre

Temps magnifique. Chaud. C’est l’été. Mais, le présentateur du JT de France 2 a le regard sombre. Au Sael, il pleut. Trop. Tandis qu’à Biarritz, il ne fait pas bon mettre un chien dehors. En effet, un serial killer sévit. Empoisonnant des toutous à tours de pattes. Les experts ont immédiatement planché sur le profil du tueur : « excédé par les aboiements et les déjections, l’individu a sans doute décidé de passer à l’acte suite aux récentes morsures médiatiques ». A quand les avocats et les juges pour chien ? La baballe est dans le camp du Garde des Chiots, euh du Garde Sceaux, Madame Rachida Dati.

Lundi 8 octobre

Côté météo, ça va. D’ailleurs, tout va… Comme un lundi...

Mardi 9 octobre

Soleil, nuages, et puis pluie. Une question déterminante se pose : combien de temps va durer la grève des cheminots ? Seulement la journée du jeudi 18 octobre, ou sera-t-elle reconduite ? Pourquoi la grève, on s’en fout. C’est combien le montant de retraite d’un cheminot ? On s’en fout ! Les JT ont d’autres questions plus intéressantes à traiter :

1) Comment laver l’honneur de Thierry Breton, qui a filé des millions d’euros de nos impôts à Lagardère et à d’autres actionnaires d’EADS ?

2) Comment faire croire que ce sont les syndicats de salariés qui ont profité des 15 millions d’euros que Denis Gauthier Sauvagnac a piqué sur le compte de l'Union des industries et des métiers de la métallurgie ? Voilà l’travail !

Mercredi 10 octobre

Fait pas froid, mais quand-même, ça fait froid dans le dos. C’est « dégueulasse ! » De quoi je parle ? De lois répressives et inhumaines contre les immigrés ? Mais non, d’une invasion de coccinelles dont est victime notre département. Vraiment dégueulasse cette photo d’insectes agglomérés à la Une de la Voix du Nord… Dégueulasse !

Jeudi 11 octobre

Ca vole bas, sous les nuages. Y’a pas de vent, alors les vieilles branches restent accrochées à l’arbre qui cache la forêt. Ainsi Jack Lang est partout. Et il parle de De Gaulle… Il paraît que 44 % des Français souhaiteraient le voir au gouvernement. Non, pas De Gaulle ! Il est mort… Ils veulent Jack Lang, les Français ! Lui aussi a bien connu mai 68, il avait 29 ans à l’époque, mais il est toujours bien vivant ! La preuve, il a même dit oui à Sarkozy, pour travailler plus. Pour travailler à la réforme des institutions. A une 6e République. Mais qui donnerait plus de pouvoir à qui ? Aux salariés sur la manière dont est gérée leur entreprise, aux citoyens, aux députés ? Non, au Président de la République… Décidément, du Socialisme au Sarkozisme en passant par le Kouchnérisme… Il n’y a qu’un K…, hein Jack ?

Vendredi 12 octobre

Temps brouillé. Et ce soir c’est la première émission intitulée « Voilà l’Travail » sur les ondes de Radio Campus. Personne n’en parle. Pourtant vous êtes en train de l’écouter. Vous êtes donc en train de louper « Les Maîtres de l’imposture ». Un magazine sur TF1 qui donne ce soir la parole à une fausse Naomi Campbell ; à de faux gagnants de l'Euro Millions ; et à une marathonienne qui était… un homme. Eh Jérôme, Seb ? Au fait, vous savez que Sébastien Chabal mange des céréales le matin, que les médias peuvent même pas dire la marque parce que le contrat est pas encore signé ?

- Non !

- Si.

Dix minutes chez Marx


Première série - Premier entretien

La scène se passe à Londres aux environ de 1873-75. Le cabinet de travail de Marx à Maitland Park Road. Petites habitudes quotidiennes. Silhouette. Lectures et distractions favorites.


D'après Paul Lafargue, “Souvenirs personnels sur Karl Marx”, 1890.


- 1873, je me trouve au 41 de Maitland Park Road à Londres, plus précisément, au premier étage de la maison, dans le cabinet de travail du célèbre Karl marx pour une série d'entretiens qui, je l'espère, nous permettrons de mieux faire connaissance . On m'a prié d'attendre en ce lieu celui qu'on appelle ici le Maure. Mon regard se balade dans le pièce...

Par la large fenêtre donnant sur Maitland Park entre, en ce jour de septembre, une abondante lumière . Des deux côté de la cheminée et vis-à-vis de la fenêtre se trouvent des rayons chargés de livres, en haut desquels des paquets de journaux et de manuscrits montent jusqu'au plafond. Vis-à-vis de la cheminée et de l'un des côtés de la fenêtre, il y a deux tables couvertes de papiers, de livres et de journaux. Au milieu de la pièce dans laquelle flotte une odeur de cigare froid, à l'endroit le mieux éclairé, se trouve une petite table de travail très simple, longue de trois pieds et large de deux, avec un fauteuil tout en bois. Un divan de cuir, dans lequel on m'a fait prendre place, est situé entre le fauteuil et les rayons de livres, face à la fenêtre. C'est l'endroit où, m'a-t-on dit, Marx a l'habitude de s'étendre pour se reposer. Sur la cheminée des livres se mêlent encore à quelques cigares, à des allumettes, à des boîtes de tabac, à des pèses-lettres, aux photographies de ses filles, de sa femme et de ses amis, WilhelmWolff et Friedrich Engels. Parmi les livres et les papiers, il semble régner un désordre complet. Les in-quarto, les in-octavo et les brochures se pressent les uns contre les autres. Rangés apparemment non selon leur dimension mais selon leur contenu, ils ont été manifestement maltraité sans égard pour leur format, leur reliure, la beauté du papier ou de l'impression. D'où je suis, je peux ainsi apercevoir trois livres ouverts dont les pages sont cornées, soulignées, aux marges couvertes de coups de crayon... mais, j'entends des pas dans l'escalier. Je pense que notre hôte arrive... - Monsieur Marx...

-Bonjour... Désolé de vous avoir fait attendre... Mais, restez-assis jeune homme. Je vais prendre place, si vous le permettez, à ma table de travail... Voila, je vous en prie, je vous écoute...

-Euh, voila, Monsieur Marx, on dit et on a dit de vous bien des choses et notamment que vous êtes mort...

- Marx mort ! Mon oeil ! La nouvelle de ma mort est quelque peu exagérée. En fait un spectre hante encore et toujours un monde qui semble, désespérément, pour les classes dominantes et leur valetaille, ne pas vouloir mourir, le spectre du communisme..."

-Euh...vous semblez vouloir entrer d'emblée dans le vif du sujet...

-Oui, le Maure saisi le vif... Toujours...

-Mais si vous le permettez, j'aurais voulu m' entretenir tout d'abord avec vous de choses un peu plus légères, disons, comme on dit dans notre jargon, un peu people...


-Vous êtes le maître à bord... Faites, je vous en prie...


-Voila... Pouvez vous nous parler de vous ? L'ordinaire de Marx ?

-Mais, si vous voulez... Que dire de ce côté là ? Bon, tout d'abord, quand je travaille, je fume énormément. Das Kapital ne me rapportera jamais ce que m'ont coûté les cigares que j'ai fumé en l'écrivant ! Par ailleurs, je suis un grand gaspilleur d'allumettes.... Je rallume constament ma pipe ou mon cigare...Je vide les boîtes d'allumettes avec une rapidité incroyable ! J'ai pris, en outre, selon le maître des lieux, la fâcheuse habitude de sauter l'heure des repas. Quand je travaille on doit souvent m'appeller à plusieurs reprises avant que je ne descende dans la salle à manger et, à peine avallée la dernière bouchée du repas, je remonte dans mon cabinet de travail. En général, j'ai peu d'appétit mais je m'efforce d'y remédier en usant de mets fortement épicés tels que le jambon, le poisson fumé et les cornichons... Mais évidement, c'est l'estomac qui trinque ! Voila pour le régime Marx... C'est quand même pas terrible...Mais ça c'est un peu arrangé depuis l'époque où l'on crevait de faim à la maison...

- Vous évoquez votre régime...Pourtant, sauf votre respect...


-On dit de moi que j'ai une constitution vigoureuse. Ici, on m'appelle Le Maure du fait de mon teint basané et de ma barbe et de mes cheveux naguère couleur d'ébène. Je suis un peu plus grand que la moyenne, les épaules larges et le corps bien proportionné quoique j'ai le tronc, comme c'est fréquent chez les juifs, un peu trop long par rapport aux jambes.

-Mieux vaut ne pas s'étendre sur ce sujet en ce moment...Karl Marx fait-il du sport ?

-Le seul exercice physique auquel je me livre régulièrement, outre l'activité révolutionnaire, est la marche. J'aime me promener en compagnie, le soir, quand le temps le permet, à Hampstead Heath. Je peux marcher ou gravir des collines pendant des heures en bavardant et en fumant. Ici même, dans mon cabinet de travail, je marche la plupart du temps. Je fais des va-et-vient incessant. Je ne m'assieds que pour de courts moments pour écrire ce qui me vient dans la tête.

- Tiens c'est vrai... de la porte à la fenêtre, il y a comme un passage est marqué sur le tapis usé jusqu'à la corde par une raie aussi nette qu'une piste dans la prairie.

- Ganz richtig ! Pour me reposer, au cours de ma journée de travail, je m'installe quelquefois où vous vous trouvez, sur le divan, pour dormir une heure ou deux ou pour lire des romans . En général, j'en lis deux ou trois à la fois, allant de l'un à l'autre. J'aime surtout les romans du XVIIIème siècle. Le Tom Jones de Fielding en particulier. Parmi les auteurs modernes, j'aime beaucoup Paul de Kock, Charles Lever, Alexandre Dumas Père et Walter Scott. En fait, en cette matière, j'ai une certaine prédilection pour les récits d'aventure et les contes amusants. Parmi les romancier, je place au plus haut point Cervantès et Balzac. Quand j'en aurait fini avec toute cette merde d''économie politique, j'envisage sérieusement d'écrire un ouvrage critique sur La Comédie humaine. J'aime aussi lire les poètes. Henri Heine et Goethe. Dante et Robert Burns sont mes poètes favoris. Tous les ans je relis Eschyle et Shakespeare qui sont les deux plus grands génies dramatiques qu'ait produit l'humanité. J'aime aussi beaucoup les auteurs russes : Pouchkine, Gogol et Chtchédrine.

- Revenons à votre quotidien. Vous travaillez tard ?

-En semaine, je me couche tard et je travaille souvent jusqu'à deux ou trois heures du matin.Quand j'étais plus jeune, il m'arrivait souvent de passer des nuits entières à travailler. Le matin, je suis toujours debout entre huit et neuf heures. Je prend du café noir et je commence ma journée de travail en parcourant les journaux et, en général, rebelote jusqu'à deux ou trois heures du matin.

- Rebelote ? En dehors de la littérature, quels sont les petits plaisirs que Marx s'offre ?

- Pour me reposer et me distraire je fais aussi des mathématiques. L'algèbre est pour moi d'un grand réconfort moral. Elle m'a souvent soutenu aux moments les plus douloureux de mon existence mouvementée. En outre, je retrouve dans les mathématiques supérieures le mouvement dialectique sous sa forme la plus logique et la plus simple.

- Qu'est-ce que vous foutez les artistes...



Voila l'travail !

Voila

l'

travail !

vendredi 31 août 2007

Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France


Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (XIXe-XXe siècle) : Discours publics, humiliations privées, Fayard, 2007.


Vingt ans après Le Creuset français, livre qui a ouvert la voie à l'histoire de l'immigration en France, Gérard Noiriel présente ici un bilan des recherches menées sur cette question depuis deux décennies. Pour la première fois, l'immigration étrangère, l'émigration coloniale et l'évolution du droit d'asile sont appréhendées dans une réflexion globale, qui permet d'éclairer les enjeux du débat actuel sur l'immigration " choisie ", l'" intégration " et les " discriminations ".
L'analyse détaillée des discours publics sur ce sujet que nous livre l'auteur met en évidence les stéréotypes dont les immigrants ont été victimes pendant plus d'un siècle et le rôle que ces représentations négatives ont joué dans le développement de l'antisémitisme et du racisme.
Gérard Noiriel plaidait depuis longtemps pour qu'un lieu de mémoire rappelle que, tout au long du XXe siècle, la France a été l'un des tout premiers pays d'immigration au monde. Avec l'ouverture de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, cet aspect de notre histoire contemporaine entre enfin dans la mémoire collective républicaine. Mais l'auteur nous met en garde contre les finalités de ce nouvel espace mémoriel qui, plus que fixer l'histoire, doit aussi permettre de faire reculer l'intolérance à l'égard des immigrants d'aujourd'hui et contribuer à l'éducation civique de tous les citoyens, y compris ceux qui aspirent à représenter le peuple français.

Historien, directeur d'études à l'EHESS, Gérard Noiriel est membre du conseil scientifique de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Il est aussi président du Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH). Il a publié de nombreux livres parmi lesquels Les Ouvriers dans la société française (Seuil, 1986), Le Creuset français. Histoire de l'immigration XIXe-XXe siècle (Seuil, 1988), Les Origines républicaines de Vichy (Hachette, 1999), Les Fils maudits de la République (Fayard, 2005).

Déflation salariale et néo-protectionnisme



Emission Des sous et des hommes du 6 Juin 2006 sur Aligre FM. Pascale Fourier reçoit Jean-Luc Gréau,
économiste et consultant, auteur de L'avenir du capitalisme.


Pascale Fourier
: Et notre invité comme la semaine dernière...

Jean-Luc Gréau : Jean-Luc Gréau, économiste et consultant, auteur de L’avenir du capitalisme, livre paru en janvier 2005 aux éditions Gallimard, dans la collection Le Débat.

Pascale Fourier: Livre, dont je souhaite toujours qu’il soit le grand succès de cet été. Un chapitre de ce livre m’a un peu étonnée. C’est un chapitre, le troisième, qui s’appelle « La déflation salariale ». Vous dites qu’il y aurait un risque de déflation salariale.... Je suis un petit peu étonnée, parce que on n’arrête pas de lutter contre l’inflation, et là j’étends parler de déflation salariale.... J’ai un petit peu de mal à vous suivre…

Jean-Luc Gréau : D’abord, il ne faut pas confondre l’évolution des prix proprement dit, c'est-à-dire les prix du supermarché et des marchandises que vous achetez pour vos besoins courants, et puis le prix du travail au sens large. En fait le marché du travail est quelque chose d’extraordinairement diversifié : on n'achète jamais le même travail. Mais néanmoins, il y a un prix de ce travail qui s’appelle « le salaire », ou « les honoraires » dans le cas d’une activité de type libéral. Le problème, c’est que ce travail doit être payé, j’allais dire à son "juste prix", mais dans un sens très économiste et très capitaliste parce que c’est un travail qui est de plus en plus productif. Donc quand on parle de gain de productivité, cela veut dire très simplement que d’une année sur l’autre et presque toujours, et presque dans tout les pays soumis à la concurrence économique, on constate un certain progrès de la productivité, c’est-à-dire que les hommes et femmes au travail, individuellement, ou collectivement, travaillent plus efficacement, produisent plus dans le même laps de temps. Evidemment cela signifie qu’ils apportent une contribution plus forte à la richesse collective. Et normalement le système économique doit fonctionner de telle manière qu’ils trouvent la contrepartie de cette contribution croissante à travers leur rémunération, c'est-à-dire ou leur salaire ou leurs honoraires. Or, nous avons dit la semaine dernière que nous risquions une réduction drastique des conditions de rémunération si nous voulions nous aligner sur les pays d’Asie émergente. D’ores et déjà, on parlait de « risques », mais ce n’est pas un risque, c’est une réalité qui commence à se concrétiser. Nous constatons que dans certains pays comme les Etats-Unis, comme l’Allemagne, ou le Japon, - qui sont quand même de grandes puissances économiques - , les salaires évoluent moins vite que la productivité. Aux Etats-Unis, c’est très simple: 5,8% de productivité en plus en l’espace de 5 ans, rémunérations en hausse de 0, un peu moins que 0. Donc ça veut dire que les gains de productivité sont sortis de la sphère du travail au sens large pour partir vers les entreprises, vers les actionnaires essentiellement.

Or, je crois que le système ne peut pas tenir indéfiniment sur cette base. Dans le système économique capitaliste, par définition, le marché du travail doit redistribuer, - plus ou moins bien, mais il doit le faire - , les gains de productivité réalisées au sein les entreprises. Donc, s’il ne le fait pas, non seulement il crée une injustice, mais il crée un déséquilibre. Sans faire d’idéologie, sans aller vers des thèses socialistes, il y a la un risque, comme vous le dites, de déséquilibre définitif du système. Ce que j’avance est confirmé par les chiffres. Et j’attire votre attention sur un document récent, qui émane d’un économiste institutionnel, monsieur Patrick Arthus, qui est le chef du service économique de la Caisse des dépôts et consignation. Il vient d’utiliser un document dans lequel effectivement il dénonce ou il relève cette déflation salariale, et il fait apparaître un graphique qui le montre. La courbe des gains de productivité est plus fortement croissante que la courbe salariale. Donc le risque est en train de se matérialiser, et à relativement court terme, on risque d’avoir une récession ou une dépression. L’Allemagne connaît déjà cette situation, l’Allemagne, premier exportateur mondial, pays particulièrement efficace, connaît pratiquement la croissance zéro année après année.

Pascale Fourier: Des Sous et Des Hommes, et on est toujours en compagnie de Jean-Luc Gréau. Je me disais que les entreprises sont complément folles, qu'elles se tirent une balle dans le pied, parce que si on ne donne pas de sous aux salariés pour qu’ils achètent les biens qui sont produits… ça ne peut pas marcher cette affaire.

Jean-Luc Gréau : Ce que vous dites, c’est ce que disait Henri Ford, en 1910 ou 1912, lorsqu’est sortie la fameuse Ford T. Il a dit: « Il faut absolument que mes salariés soient rémunérés de telle manière qu’ils puissent éventuellement acheter mes produits, mes voitures ». Et en même temps, il espérait bien, - ce qu’il a obtenu -, avoir un supplément d’efficacité. En traitant bien ses salaires, il a doublé sa productivité en quelques temps.
Donc, ça a été une préoccupation des chefs d’entreprises, surtout dans l’après-guerre. Dans l’après-guerre, on voit une corrélation absolument étroite entre la productivité et les salaires. Et cette productivité est très fortement croissante. En France, c’est 4,7 ou 4,8% l’an, pendant 25 ans. C’était fantastique ! La France a eu la plus belle période de son histoire de 1948 à 1973.

Alors, pourquoi ne le fait-on pas aujourd’hui ? Premièrement, parce que, ainsi que je vous l’ai dit, la pression des marchés financiers, pour inciter les entreprises à choisir les sites de production les moins coûteux, s’exerce constamment. La relation actionnaire/manager est déterminante. Et à travers les entreprises cotés, c’est tout leur système de soustraitants et de fournisseurs qui est également touché. Il faut costcuter, si je puis dire, en mauvais franglais, c'est-à-dire couper les coûts ou réduire les coûts à toute force et chaque année.
Mais en même temps, nos amis anglais et américains ont inventé une parade, qui est une parade à mon avis dangereuse, qui consiste à organiser le surendettement des particuliers, c'est-à-dire que ce qui n’est pas distribué sous forme de salaire est compensé par un endettement auprès des organismes financiers. Donc la dette des ménages concernés, en Angleterre, aux Etats-Unis, mais aussi, dans des pays comme l’Espagne, comme l’Australie, ou la Nouvelle- Zélande, atteint des chiffres extraordinaires. En Australie, c’est 140% du revenu disponible des ménages dans l’année, c’est-à-dire que le stock de la dette de chaque particulier représente un peu près 16 mois ou 17 mois de revenus de l’année. Donc, c’est une parade, parce que cette dette contractée permet aux gens de consommer. On prend la carte de crédit, on prend un découvert bancaire et on tire dessus. En plus, ils ont inventé un système extraordinairement efficace, apparemment, qui consiste à développer la dette hypothécaire: vous achetez un logement, vous contractez une dette hypothécaire gagée sur une hypothèque, en vue de l’acheter, et en même temps, chaque fois que votre logement prend de la valeur, - ce qui est le cas actuellement sur les marchés immobiliers, les augmentations de prix sont de 5, 10, 15% l’an -, à chaque fois votre hypothèque est revalorisée. Alors qu’est-ce que vous faites ? Eh bien vous retournez vers votre prêteur, vous lui dites: « Mon mon hypothèque de 100 000 dollars il y a 5 ans vaut aujourd’hui 150 000 dollars. Eh bien donnez-moi 50 000 dollars de plus ». C’est comme ça que le système de consommation américain fonctionne et fonctionne efficacement. Jusqu'au jour où il faudra bien qu' on réajuste les comptes, puisque l’endettement indéfini, ça n’existe pas.

Pascale Fourier: Oui, c’est ce que j’allais dire... J'avais cru entendre que Thierry Breton s’orientait un petit peu dans cette direction…

Jean-Luc Gréau : Il faut être prudent. J’ai dit 140 % par exemple pour les australiens, 135% pour les anglais de revenus disponibles, 130% pour les américains ,62% pour les français ! Nous avons un chiffre extrêmement bas en comparaison de ces pays. Néanmoins, il y a deux millions de français fortement endettés, ou ponctuellement surendettés. Je pense que ce chiffre est raisonnable et qu’il ne faut pas aller bien au-delà. On peut aller à 70, 75% du revenu disponible, mais pas plus, pour ne pas risquer, comme le risquent nos voisins anglais, espagnols également très endettés, d’avoir une forte récession voire une déflation, à la suite d’une chute du crédit, d’une chute de l’endettement des ménages.

Pascale Fourier: Mais, parce qu'à terme il faudra bien rembourser...

Jean-Luc Gréau : Il faudra également passer au régime inverse, c’est-à-dire consacrer une part importante de son revenu au remboursement, et par conséquent comprimer la consommation. Et à ce moment-la, nous irons vers une récession dans les pays concernées.

Pascale Fourier: C’est complètement absurde alors … ?

Jean-Luc Gréau : Pour l’instant, ça ne l’est pas puisque ça marche. Tant que ça marche, tant que le système paraît s’équilibrer du fait de la dette des ménages, on pense qu’il n’y a pas de raison de revenir sur cette situation. Et en même temps, les gens se disent: « Une résorption brutale est très dangereuse. Prions tous ensemble pour qu’on arrive à une situation de résorption très lente de la dette de telle sorte qu’il n’y ait pas de catastrophe ». Je n’y crois pas beaucoup, mais néanmoins c’est ce qui est dans les têtes actuellement. Personnellement, je suis très attentif à ce qui se passe aux Etats-Unis où on assiste à un repli du marché immobilier, en Angleterre, en Espagne, dans des pays qui sont très concernés par ce phénomène de la dette. Je pense que nous aurons d’ici un an et demi, deux ans au plus tard, une sorte de remise des compteurs à zéro, et à ce moment là, les cartes économiques vont se redistribuer.

Pascale Fourier: Des Sous et Des hommes, et ont est toujours en compagnie de Jean-Luc Gréau. J’étais un petit peu déprimée là, à la fin de la plage précédente, puisque je me disais que globalement, encore une fois, on fonçait droit dans le mur, que la catastrophe était là, quasiment là…

Jean-Luc Gréau : Le pire n’est pas toujours sûr. Néanmoins, je pense qu’on a pris des risques qu’on aurait pu s’éviter. Et maintenant nous sommes dans une situation un peu délicate.
Je crains fort que le changement d’idée, de conception et de politique n’apparaisse qu’à l’ occasion d’une crise relativement large atteignant non seulement l’Europe, - ce qui est déjà le cas, nous avons une crise rampante de l’économie et du social -, mais aussi les Etats-Unis, qui sont le cœur du système, et par contrecoup, les partenaires des Etats-Unis, qui sont en Asie, en Amérique latine et un peu partout dans le monde. Donc, de ce côté-là, je crains fort que les esprits étant tellement installés dans leur idéologie telle qu’elle s’est constituée depuis 20, 25 ans, on ne puisse pas obtenir cette réorientation nécessaire, simplement par le verbe et par l’argumentation. Néanmoins, il faut préparer le moment où cette réorientation se fera, et il faut donc essayer de voir les instruments dont nous pourrons disposer à cet égard. J’insiste fortement donc sur la thèse néo-protectionniste, c'est-à-dire sur la nécessité de protéger nos marchés -mais aussi pour des pays comme les pays africains notamment de protéger leurs marchés. D’ores et déjà les pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil veulent s’emparer des marchés africains ou détriment du développement autonome de ces pays. Donc, ce néo-protectionnisme et à l’ abri de ce néo-protectionnisme renouer avec une politique salariale.
Dans les années d’après-guerre, quand on parlait de politique salariale, c’est pourquoi ? C’était parce qu’on craignait que les salaires aillent trop vite. Et ils évoluaient effectivement très vite. Donc on disait, très simplement, et à tort, à contresens, on disait : « Quand les salaires prennent l’escalier, les prix prennent l’ascenseur ». C’était l’inverse heureusement, c'est-à-dire, quand les prix prennent l’escalier, c’était le salaire qui prenait l’ascenseur. D’où l’enrichissement. Le salaire moyen et le salaire minimum français ont triplé en pouvoir d’achat en l’espace de 25 ans.

Mais aujourd’hui une politique salariale, ce serait l’inverse, ce serait pour inciter les employeurs à distribuer plus. Je ne parle pas du smic qui est une question à part. Ce n’est pas en relevant le smic de 5% chaque année qu’on règle la question des salaires pour tous les gens qui ont un travail qualifié. Néanmoins, je ne serais pas scandalisé, au contraire, si les Etats européens disaient: « Nous constatons un progrès de l’efficacité de notre production, des gens qui travaillent au sein de notre production, de tant, eh bien nous relevons, nous indexons l’ensemble des contrats de travail, de 1%, 1.5 % en conséquence pour l’année prochaine. Un peu ce qu’on fait dans la fonction publique d’ailleurs, à l’occasion de la négociation annuelle. A fortiori pourrait-on le faire dans le secteur privé qui est, lui, engagé dans la concurrence internationale. Moi, je ne serais pas scandalisé; au contraire, je pense qu’on pourrait le faire. Mais là aussi, je suis à contre-courant de tout ce qui se dit actuellement, puisqu'on part du principe que tout doit se dénouer dans le cadre du contrat ou de la négociation collective quand celle-ci existe encore.

Pascale Fourier: Si vous préconisait une hausse des salaires, c’est bien à l’abri de protections …

Jean-Luc Gréau : Oui, parce que sinon nos entreprises vont partir purement et simplement, vont déserter, et es conditions de la concurrence deviendront encore plus inégales qu’elles ne le sont aujourd’hui. Pour l’instant, nous tenons un petit peu, précisément parce que nous ne redistribuons pas les gains de productivité. Et sur certains produits, nous avons encore une possibilité. Mais nous reculons. Nous reculons de façon régulière, et par conséquent il faut maintenant envisager la mise en place des protections commerciales de soutien, en dépit de toutes les critiques qui peuvent m’être adressées à cet égard. Et en même temps, renouer avec la notion de progrès social. N'oubliez pas: si les salaires progressent de nouveau de façon normale, le rendement des impôts, des cotisations sociales sera meilleur ! Nous ne résoudrons pas ainsi totalement le problème des retraites, de l'assurance-maladie, de nos comptes publics. Mais nous atténuerons les problèmes posés. Et avec d'autres mesures, une plus grande efficacité de notre système public, on pourrait résoudre nos problèmes de déficit.

Pascale Fourier: Mais, quand même, il y a des gens qui vous dirait : « Oui, mais en remettant des barrières, ( je les entends déjà dire...), ça empêche la concurrence, le progrès...

Jean-Luc Gréau : Non. Précisément parce que la concurrence peut toujours s'exercer. Vous êtes dans le grand espace qui s’appelle l’Union Européenne, avec 430 millions d'habitants au jour d’aujourd’hui. Vous pouvez accueillir librement les entreprises américaines, canadiennes, japonaises, indiennes, chinoises, brésiliennes, - il y a des entreprises brésiliennes très efficaces - , sur notre territoire, avec leurs capacités de travail, avec leur savoir-faire, et puis ces gens-là vont évidement utiliser les locaux, les travailleurs locaux. Si Toyota s’installe à Valenciennes, c’est qu’il constate que sur les sites français il y a des gens très efficaces. L’usine de Valencienne est une référence mondiale en matière d’automobile. Néanmoins, pourquoi Toyota fait-il ce choix-là plutôt que d’exporter à partir de la Chine ou de l’Indonésie par exemple? Tout simplement parce que les japonais sont peut- être plus intelligents et plus prudent que nous. De très longue date, ils ont compris que le libre-échange mondial ne pourrait pas se développer de façon indéfinie. Donc, ils prennent position sur les marchés qu’ils veuillent conquérir, de telle manière qu’ils pourront toujours produire sur place et vendre sur place, donc, réaliser des profits sur place, même si les barrières commerciales se mettent en place. Toyota ne sera pas atteint par les barrières commerciales, puisqu’il produit sur les sites européens, en Angleterre, en France et aussi en Tchéquie aujourd’hui, en collaboration avec Peugeot et Citroën.

Pascale Fourier: Pour vendre à l’intérieur de l’espace dans lequel ils s’implantent.. C’est ça l’idée ? ...

Jean-Luc Gréau : Voilà. Donc, à ce moment-là, la concurrence existe, la concurrence entre entreprises, entre producteurs. Et ce n’est pas la concurrence des sites de production, au nom du plus bas coût de travail, de la plus basse protection sociale possible et imaginable.

Et même, je reviens sur ce que je disais en matière écologique. Nous avons eu l’affaire Larbin, en Chine, qui n’est pas très ancienne. Or il s’avère que la Chine a une législation environnementale très convenable. Le problème, c’est qu’elle n’est pas appliquée. Son application est au bon gré des autorités locales, de chaque ville, de chaque région, de chaque province. Et elle n’est pas appliquée dans les faits. Donc là aussi, il y a une distorsion de concurrence tandis que les entreprises doivent quand même, en général, respecter certaines conditions environnementales, qui sont coûteuses. Si on vous impose de pas polluer, c'est-à-dire de ne pas faire de rejet de polluant à un certain degré, ça veut dire que vous allez mettre en place des filtres. C’est très coûteux. Si vous pouvez le faire dans un site où cette contrainte n’existe pas, vous réduisez vos coûts.

Pascale Fourier: Je me disais: « Mais quelles forces politiques sont prêtent à suivre mon invité dans cette voie-là ? ».

Jean-Luc Gréau : Je n’en vois aucune. Je crois très sincèrement qu' il faut que la gauche parlementaire, la droite parlementaire, s’interrogent, au lieu de pratiquer ce que j’appelle une fuite en avant. Je ne vais pas faire le procès de ces institutions issues de la Veme République, de leur mode de fonctionnement actuel, que beaucoup de gens critiquent. Je ne vais pas m’insérer dans ce débat. Simplement, ils sont actuellement tous sincères dans un type de débat qui est constitué maintenant depuis une vingtaine d’années, sans changement notable. Disons que, depuis le plan de redressement économique de 83-84, appelé plan Delors, mais qui en fait a été élaboré au cabinet de Pierre Maurois, depuis que ce plan de redressement a était fait, on marche sur une ligne économique à peu près identique, que les gouvernements soient de gauche ou qu’ils soient de droite. Ce qui change, c’est que les gouvernements de gauche ont une politique sociale ou une politique fiscale légèrement différente des gouvernements de droite. Néanmoins la ligne mondialisatrice telle que nous l’avons évoquée a été maintenue, même sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui pourtant est un socialiste incontestable - c’est un militant de très longue date. Et par conséquent il y a un aveu implicite de cette classe politique qu’elle ne peut rien changer au fond parce que ces problèmes mondiaux la dépassent, qu'il y a des forces plus puissantes que l’Etat français, que les pouvoirs publics européens, qui empêcheront des politiques d’envergure. Moi, je crois le contraire.

Pascale Fourier: Eh oui, c’était Des Sous... et des Hommes, avec Jean-Luc Gréau. Je répète le titre de son ouvrage, un ouvrage absolument remarquable: L'avenir du capitalisme, aux éditions Gallimard, dans la collection Le débat. Livre remarquable parce que, comme vous l’avez entendu dans l’interview, Jean-Luc Gréau y tient des positions que l’on n’entend quasiment nulle part, ou alors dans un cercle relativement réduit de ceux qu’on peut appeler les altermondialistes, mais Jean-Luc Gréau ne me contredirait pas, il ne se revendique pas comme étant altermondialiste, et peut être même loin de là.... En tout cas, son livre est remarquable, pédagogique, et se lit comme un manuel. N'hésitez pas à le lire ! A la semaine prochaine !